Le Conseil National Syrien : interlocuteur ou représentant du peuple syrien?
On sait que la doctrine de la France est de reconnaître les Etats et non les gouvernements, ce qui lui évite de prendre position lorsque se produit par exemple un coup d’Etat dans un pays avec lequel elle a des relations diplomatiques.
Cependant, le printemps arabe l’a amenée à infléchir ses principes. Dans ce cas, en effet, la reconnaissance par la France est passée par deux étapes. Dans la première, le CNT libyen a été considéré comme « le représentant légitime du peuple libyen » (10 mars 2011). Dans la seconde – alors que Mouammar Kadhafi n’avait encore été ni renversé ni tué -, la France, par la voix de M. Juppé, son ministre des Affaires étrangères, a, le 7 juin, déclaré : « Le Conseil national de transition est le seul titulaire de l’autorité gouvernementale, dans les rapports de la France avec l’État libyen ».
Or, s’agissant de la Syrie, M. Juppé semble vouloir rajouter une étape préalable. Il a en effet déclaré mercredi 23 novembre que le Conseil National Syrien (CNS) était « l’interlocuteur légitime ». ». M. Juppé étant agrégé de lettres classiques, on peut supposer que s’il emploie l’article défini, c’est à dessein : le CNS n’est donc pas « un » interlocuteur légitime parmi d’autres. Il est, peut-on dire, le seul interlocuteur légitime. Pour autant, M. Juppé ne le voit pas encore comme le représentant légitime du peuple syrien. A fortiori, le CNS n’est-il pas regardé comme le seul titulaire de l’autorité gouvernementale dans les rapports de la France avec la Syrie.
M. Juppé a sans doute de bonnes raisons, politico-diplomatiques, de procéder ainsi. Il est vraisemblable que certains Etats membres de la Ligue arabe préfèrent que l’on ne hâte pas la reconnaissance formelle du CNS ; or leur action est essentielle pour légitimer une action, quelle qu’elle soit, contre le régime Assad. Il ne fait pas de doute non plus qu’il est préférable de ne pas braquer davantage la Russie et la Chine dont la France aura besoin au Conseil de Sécurité le moment venu.
On peut s’interroger en revanche sur la pertinence de la justification donnée par le ministre des affaires étrangères pour repousser cette reconnaissance, même dans sa première étape. M. Juppé a en effet indiqué que le préalable à la reconnaissance était que le CNS soit plus « inclusif ». Cet adjectif, peu usité en français en ce sens, signifie que le CNS doit fédérer davantage de groupes d’opposants.
Outre qu’on peut se demander à partir de quel dosage de représentation des mouvements d’opposition le CNS sera considéré comme « inclusif » et qui serait en droit d’en juger, cette condition paraît un bien mauvais argument pour retarder la reconnaissance du CNS qui a déjà réussi le miracle de fédérer une opposition morcelée et divisée. Plusieurs raisons militent contre cette exigence.
La première est qu’il y a urgence. Aujourd’hui, en Syrie, chaque journée se mesure en nombre de morts. Peut-on moralement imposer que davantage de vies soient sacrifiées pour satisfaire à cette condition ?
La seconde est que le CNS tire sa légitimité du peuple syrien lui-même, qui l’a du reste adoubé pendant ses manifestations des dernières semaines en payant le prix du sang. Que dirions-nous si une agence de notation exigeait, pour maintenir notre triple A, que tous les partis politiques français, du FN au NPA, se regroupent dans une même formation ?
La troisième est qu’une opposition artificiellement réunie ne sera pas en mesure de gouverner, une fois le régime tombé, un pays où il faudra tout réinventer en faisant en même temps repartir au plus vite l’économie. Un CNS trop hétéroclite se divisera nécessairement, provoquant de peu opportunes tensions.
La quatrième est que nous n’avons pas de raisons de donner des leçons à un peuple qui meurt pour sa liberté. Il attend de nous plus d’élan, de générosité et de compréhension. Appliquons la jurisprudence libyenne, au moins sur ce point, et reconnaissons le CNS comme le « représentant légitime du peuple syrien ».
Le CNS : interlocuteur ou représentant ?
On sait que la doctrine de la France est de reconnaître les Etats et non les gouvernements, ce qui lui évite de prendre position lorsque se produit par exemple un coup d’Etat dans un pays avec lequel elle a des relations diplomatiques.
Cependant, le printemps arabe l’a amenée à infléchir ses principes. Dans ce cas, en effet, la reconnaissance par la France est passée par deux étapes. Dans la première, le CNT libyen a été considéré comme « le représentant légitime du peuple libyen » (10 mars 2011). Dans la seconde – alors que Mouammar Kadhafi n’avait encore été ni renversé ni tué -, la France, par la voix de M. Juppé, son ministre des Affaires étrangères, a, le 7 juin, déclaré : « Le Conseil national de transition est le seul titulaire de l’autorité gouvernementale, dans les rapports de la France avec l’État libyen ».
Or, s’agissant de la Syrie, M. Juppé semble vouloir rajouter une étape préalable. Il a en effet déclaré mercredi 23 novembre que le Conseil National Syrien (CNS) était « l’interlocuteur légitime ». ». M. Juppé étant agrégé de lettres classiques, on peut supposer que s’il emploie l’article défini, c’est à dessein : le CNS n’est donc pas « un » interlocuteur légitime parmi d’autres. Il est, peut-on dire, le seul interlocuteur légitime. Pour autant, M. Juppé ne le voit pas encore comme le représentant légitime du peuple syrien. A fortiori, le CNS n’est-il pas regardé comme le seul titulaire de l’autorité gouvernementale dans les rapports de la France avec la Syrie.
M. Juppé a sans doute de bonnes raisons, politico-diplomatiques, de procéder ainsi. Il est vraisemblable que certains Etats membres de la Ligue arabe préfèrent que l’on ne hâte pas la reconnaissance formelle du CNS ; or leur action est essentielle pour légitimer une action, quelle qu’elle soit, contre le régime Assad. Il ne fait pas de doute non plus qu’il est préférable de ne pas braquer davantage la Russie et la Chine dont la France aura besoin au Conseil de Sécurité le moment venu.
On peut s’interroger en revanche sur la pertinence de la justification donnée par le ministre des affaires étrangères pour repousser cette reconnaissance, même dans sa première étape. M. Juppé a en effet indiqué que le préalable à la reconnaissance était que le CNS soit plus « inclusif ». Cet adjectif, peu usité en français en ce sens, signifie que le CNS doit fédérer davantage de groupes d’opposants.
Outre qu’on peut se demander à partir de quel dosage de représentation des mouvements d’opposition le CNS sera considéré comme « inclusif » et qui serait en droit d’en juger, cette condition paraît un bien mauvais argument pour retarder la reconnaissance du CNS qui a déjà réussi le miracle de fédérer une opposition morcelée et divisée. Plusieurs raisons militent contre cette exigence.
La première est qu’il y a urgence. Aujourd’hui, en Syrie, chaque journée se mesure en nombre de morts. Peut-on moralement imposer que davantage de vies soient sacrifiées pour satisfaire à cette condition ?
La seconde est que le CNS tire sa légitimité du peuple syrien lui-même, qui l’a du reste adoubé pendant ses manifestations des dernières semaines en payant le prix du sang. Que dirions-nous si une agence de notation exigeait, pour maintenir notre triple A, que tous les partis politiques français, du FN au NPA, se regroupent dans une même formation ?
La troisième est qu’une opposition artificiellement réunie ne sera pas en mesure de gouverner, une fois le régime tombé, un pays où il faudra tout réinventer en faisant en même temps repartir au plus vite l’économie. Un CNS trop hétéroclite se divisera nécessairement, provoquant de peu opportunes tensions.
La quatrième est que nous n’avons pas de raisons de donner des leçons à un peuple qui meurt pour sa liberté. Il attend de nous plus d’élan, de générosité et de compréhension. Appliquons la jurisprudence libyenne, au moins sur ce point et reconnaissons le CNS comme le « représentant légitime du peuple syrien ».
[…] En effet, il conceptualise une situation que, comme beaucoup d’autres, j’avais dénoncée sur ce blog : le refus de la France de reconnaître le Conseil National Syrien comme représentant légitime du […]