Le droit du peuple syrien à l’autodétermination

 

La révolution syrienne aura été accompagnée par un discours à la fois incantatoire et performatif des dirigeants Occidentaux (Turcs compris). Depuis au moins dix-huit mois, tous ont déclaré, au moins une fois, que le régime de Bachar al-Assad allait tomber, espérant peut-être qu’énoncer cette idée accélèrerait l’avènement de la chute d’Assad. On pourrait – les historiens le feront sans doute un jour – écrire un florilège de ces phrases inutiles, souvent proches de propos de café du commerce.

Sans doute donneront-elles alors un sentiment de honte aux peuples dont ces dirigeants étaient censés exprimer l’avis. Honte parce qu’au début de la révolution, ces propos ont incité des Syriens à descendre dans la rue, convaincus qu’ils étaient que le monde occidental les soutiendrait, et à se faire tuer pour obtenir liberté et dignité. Honte parce que ces phrases creuses ne se sont accompagnées d’aucune aide matérielle à un peuple qu’on emprisonnait, torturait, massacrait et qu’à présent, on bombarde et on affame. Elles témoignaient au fond d’une grande indifférence au sort du peuple syrien abandonné.

Tout ceci, a déjà été dit ailleurs et sur ce site.

Le pire est pourtant peut-être à venir. A la pusillanimité (chaque fois justifiée par les vetos russes et chinois) et à l’indifférence, quand ce n’était pas de la sottise stratégique (déclarations réitérés qu’il n’y aurait pas d’intervention occidentale), les dirigeants occidentaux sont en train d’ajouter l’outrecuidance.

Elle s’est manifestée une première fois cet automne, lorsqu’Américains, Britanniques et Français ont averti Assad que s’il faisait usage de ses armes chimiques, il n’échapperait pas à une intervention. Les Syriens ont bien compris qu’il ne s’agissait pas de les protéger, mais de préserver leurs voisins et le monde occidental. Pour eux, mourir sous la torture, sous les balles, les bombes ou les scuds ou sous l’effet de poisons chimiques ne fait guère de différence.

Elle est devenue totalement évidente en décembre, après la reconnaissance de la Coalition nationale comme représentant légitime du peuple syrien. Laissons de côté le refus obstiné pendant des mois des dirigeants occidentaux de reconnaître les premières tentatives d’organisation de l’opposition. (Une telle reconnaissance aurait peut-être accéléré à la fois l’unification de l’opposition et la fin du cauchemar pour le peuple syrien, mais admettons qu’il ne s’agit là que d’une hypothèse optimiste).

Depuis que les Occidentaux ont reconnu cette coalition, que certains, ainsi que les pays du Golfe, considèrent comme LEUR création, ils ont mis en œuvre une politique pudiquement appelée The day after pour déterminer ce que doit être une Syrie débarrassée du régime Assad. On en trouve l’esquisse dans les treize points du Protocole de Doha (une armée syrienne limitée à 50.000 hommes, abandon définitif de toute revendication sur l’ex sandjak d’Alexandrette, livraison à la Turquie des Kurdes recherchés par elle, etc.). Cela ressemble fort à une limitation de la souveraineté syrienne, non ? Ajoutons  les déclarations de Victoria Nuland – qui, à ma connaissance n’est ni Syrienne ni membre associé à la Coalition nationale syrienne – « Les extrémistes et les idéologies terroristes n’ont pas leur place dans la Syrie de l’après-Assad »  (http://abonnes.lemonde.fr/international/article/2012/12/12/les-etats-unis-adoubent-la-coalition-nationale-syrienne_1804996_3210.html). Je ne vais pas multiplier les exemples, on en trouvera abondamment en lisant la presse internationale.

Cela rappelle beaucoup les conditions imposées à la France par le Congrès de Vienne en 1815 ou à l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Avec une différence de poids : la France et l’Allemagne avaient fait la guerre à leurs voisins et les avaient occupés. Le régime syrien n’a fait la guerre qu’à son propre peuple. Au nom de quoi devrions-nous réduire la souveraineté d’un peuple qui se fait tailler en pièces depuis près de deux ans pour conquérir sa liberté et le droit de décider comment il veut être gouverné ? Et quelle crédibilité, quelle légitimité avons-nous, après avoir fermé les yeux sur ce qui se déroulait à nos portes, pour décider ce que doit être l’avenir de la Syrie ? Ce peuple a versé assez de son sang pour que nous lui reconnaissions le droit à l’autodétermination, quelle qu’elle soit.

Le sort des minorités ? Le risque d’islamisme ? Ce sont effectivement des points qui justifient une inquiétude. Cependant, en n’agissant pas lorsque nous aurions dû le faire, nous avons-nous-mêmes facilité l’irruption de combattants jihadistes et laissé la société syrienne glisser, avec la bénédiction d’Assad, dans une vision communautariste qui ne lui était pas naturelle (n’oublions pas le slogan des débuts de la révolution : Wahed ! Wahed ! Wahed !). Par ailleurs, pourquoi ne pas parier sur le bon sens du peuple syrien et ne pas le laisser faire l’expérience d’un monde sans Assad ? (N’avons-nous pas, nous aussi, erré durant des années, après nos révolutions ?)

Notre devoir aujourd’hui, après tant d’indifférence à ses souffrances n’est pas de lui dicter sa conduite, mais – lorsqu’il se sera libéré – de lui tendre la main pour l’aider à reconstruire son pays dévasté et, par une attitude bienveillante et ouverte, lui donner à comprendre l’intérêt de la démocratie et de la liberté pour préserver les droits qu’il aura si chèrement payés.

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  1. […] titre figurant en en-tête, la romancière Isabelle Hausser a mis en ligne, sur son site internet Petit Seigneur, un texte dans lequel elle rappelle avec force le droit du peuple syrien à décider par lui-même […]

  2. […] A l'orée de l'année 2013, meilleurs voeux de liberté et prompte libération au Peuple syrien, qui, comme tous les autres peuples, a "droit à l'autodétermination".  […]

  3. […] A l’orée de l’année 2013, meilleurs voeux de liberté et prompte libération au Peuple syrien, qui, comme tous les autres peuples, a “droit à l’autodétermination“. […]

  4. YALLA SOURIYA dit :

    […] A l’orée de l’année 2013, meilleurs voeux de liberté et prompte libération au Peuple syrien, qui, comme tous les autres peuples, a “droit à l’autodétermination“. […]

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