Gavroche contre Bachar

Après quelques tentatives infructueuses, le soulèvement du peuple syrien a réellement commencé à la suite de l’affaire de Daraa. C’est-à-dire après l’arrestation de quinze mineurs qui avaient écrit sur les murs des slogans hostiles au régime, à l’imitation de ce que la télévision montrait en Tunisie et en Égypte. On aurait pu imaginer que cette action, illégale en Syrie, ait été réglée par une réprimande des enfants et des semonces aux parents. Or, on le sait, les enfants ont été arrêtés, transférés à Damas et torturés. C’est cette violence, dont ont été victimes leurs enfants, qui a jeté les habitants de Daraa dans la rue, provoquant une terrible répression. Par solidarité avec les habitants de Daraa, petit à petit, villes et villages de Syrie se sont soulevés, entraînant la même implacable répression.

On aurait pu croire que les autorités syriennes avaient pris la mesure de l’erreur commise initialement à Daraa : (http://petitseigneur.com/les-trois-lecons-des-evenements-syriens/) et donné ordre aux moukhabarat et aux forces armées et de sécurité engagées dans la répression d’épargner les enfants.

Or elles ont récidivé la semaine dernière en rendant à ses parents le cadavre martyrisé du jeune Hamza al-Khatib (13 ans) dont le seul crime était d’avoir porté de la nourriture à des habitants de Daraa assiégés par une division de blindés, sans doute celle commandée par Maher el-Assad, frère du président Bachar el-Assad. Les images des tortures subies par ce jeune garçon, quasi insoutenables, tournent en boucle sur Internet, Facebook (où une page lui a été consacrée par la rébellion) et sur Twitter. Elles ont provoqué une condamnation unanime et incité les Syriens à descendre en plus grand nombre dans la rue pour demander le renversement du régime. Les manifestations de ce vendredi sont du reste dédiées aux enfants de Syrie, victimes de la répression.

L’UNICEF s’est également alarmée du nombre d’enfants (30 sans doute) tués en Syrie depuis le début de l’insurrection : http://www.unicef.org/french/infobycountry/media_58707.html . Il faut rapprocher cette déclaration de celle de Human Right Watch qui dit n’avoir « jamais vu de telles horreurs » : http://www.hrw.org/node/99366 . (Note : Ce lundi 6 juin, il est fait état de 77 enfants tués depuis le début de la révolution)

Malheureusement, les conflits et les révolutions font aussi des victimes parmi les enfants. Gavroche en est l’illustration la plus littéraire. Il est, fort heureusement, rare de voir des enfants torturés et tués froidement comme c’est le cas en Syrie depuis bientôt trois mois. Le traitement qui leur est infligé et la réponse apportée par le régime à l’horreur suscitée en Syrie et dans le monde reflètent le cynisme, qui confine à la sottise, et la barbarie comme méthode de gouvernement que pratique un régime qui se bat aujourd’hui pour sa survie (cf. l’interview de Rami Makhlouf, cousin de Bachar et Maher el-Assad au New York Times : http://www.nytimes.com/2011/05/11/world/middleeast/11makhlouf.html?_r=1&ref=anthonyshadid )

L’arrestation des enfants de Daraa est due à ce mélange de cynisme et de sottise. En rendant aux parents de Hamza al-Khatib le corps supplicié de leur enfant, les autorités ont tout bêtement appliqué leur vieille méthode : dissuader par l’épouvante. Il ne leur est pas venu à l’esprit qu’à ce stade, l’horreur pouvait se transformer en rage, que les tortures et la mutilation subies par ce corps allaient transformer le jeune Hamza en icône de la révolution syrienne. (Selon certaines indications, qu’il reste à vérifier, les autorités auraient à présent opté pour la « méthode argentine » et commencé à larguer d’avion des containers emplis de cadavres au large de Lattaquié.)

La réaction des autorités syriennes devant le déluge de condamnations suscité par les images, que les parents ont souhaité livrer à l’opinion publique, reprend elle aussi une vieille recette des despotismes et tout particulièrement de ce régime : accuser la rébellion d’avoir maquillé le corps pour incriminer les dirigeants syriens.

Un régime qui tue son peuple alors que celui-ci cherche, mains nues, à se faire entendre, mitraille des femmes voilées tandis qu’elles hurlent de douleur et de terreur, est depuis longtemps illégitime. Mais un régime, qui transgresse le tabou suprême de nos sociétés en s’en prenant aux enfants, est au-delà de l’illégitimité, il est entré dans l’inhumanité.

2 commentaires

  1. Sophie Cluzan dit :

    Merci pour ces lignes essentielles.
    Merci pour les Syriens et merci pour les êtres humains que nous tentons d’être.
    Merci pour ces enfants magnifiques croisés au détour d’une rue ou sur une ruine millénaire.
    Merci pour leur sourire incomparable. Arraché.
    Merci pour leurs rires et leurs mots joyeux qu’ils tentaient de partager avec nous. Envolés et perdus.
    Merci pour ces enfants au regard profond qui s’illuminait quand ils nous voyaient arriver. Fermé.
    Espérons que nos sociétés soient à la hauteur et que leur regard puisse à nouveau s’illuminer de joie en nous voyant à leur côté.
    Merci, Isabelle.

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