De quelques vérités toutes simples

Certains ouvrages traitant de sujets que l’on croyait pourtant bien connaître ont la vertu de vous ouvrir les yeux sur une réalité entrevue, mais non parfaitement formulée. C’est le cas du livre de Jean-Pierre Filiu, Le Nouveau Moyen-Orient Les peuples à l’heure de la Révolution syrienne. En effet, il conceptualise une situation que, comme beaucoup d’autres, j’avais dénoncée sur ce blog : le refus de la France de reconnaître le Conseil National Syrien comme représentant légitime du peuple syrien, reproche qui pouvait être élargi à l’ensemble de la communauté internationale.

Or ce que montre clairement Jean-Pierre Filiu, c’est que ce refus de reconnaissance était la conséquence logique d’un refus de délégitimer le régime Assad. Certes, les déclarations n’ont pas manqué d’Hillary Clinton à Erdogan en passant par Alain Juppé, pour affirmer que Bachar al-Assad avait perdu toute légitimité (ce qui impliquait qu’il avait été légitime auparavant). Pour ne pas être en reste, M. Fabius est même allé jusqu’à affirmer qu’il ne mériterait pas d’être sur la terre. Il a néanmoins fallu attendre le mois de novembre 2012 et la constitution de la Coalition Nationale dirigée par Moazz al-Khatib pour qu’enfin, une amorce de légitimation de l’opposition soit engagée. Notons cependant que ce sont toujours des ambassadeurs d’Assad qui tiennent le banc de la Syrie à l’ONU et dans les organisations internationales en dépendant. Deux ans après le début de la Révolution et après une centaine de milliers de morts et des millions de personnes déplacées, l’entreprise de déligitimation du régime Assad est loin d’être achevée.

Elle l’est d’autant moins que, depuis plusieurs mois, la révolution syrienne n’est plus seulement accusée d’être incapable de s’unir, mais aussi d’abriter des jihadistes, voire des groupes affiliés à al-Qaïda. Cette situation, pour partiellement vraie qu’elle soit, est aussi  – les dirigeants occidentaux ont tendance à l’oublier – tout droit issue de la propagande assadienne des premiers jours de la révolution. Elle est aussi la conséquence de notre inconséquence : nous avons abandonné le peuple syrien à son bourreau ; pourquoi s’étonner qu’il accepte l’aide d’islamistes ?

Quoi qu’il en soit, comme le montrent si tristement les atermoiements de François Hollande qui un jour promet d’armer les rebelles pour, quelques jours plus tard, revenir sur sa parole, la communauté internationale a trouvé un nouveau prétexte pour ne pas aider le peuple syrien à se débarrasser de son tyran. C’est-à-dire pour laisser Assad massacrer son peuple à sa guise.

Cette lecture lumineuse de deux années de tergiversations et de palinodies occidentales, si commodément dissimulées derrière le « double veto », m’incite à poser quelques questions cruelles. La communauté internationale veut-elle vraiment en son for intérieur la chute du régime, comme elle le prétend ? Qu’espère-t-elle du désespoir dans lequel elle a jeté tout un peuple ? Pire encore : se pose-t-elle seulement ces questions ?

Addendum du 13 avril 2013 : l’article de Daniel Pipes « Support Assad«  – qui raisonne sinistrement, d’abord d’un point de vue strictement américain et ensuite à trop court terme – montre bien l’intérêt de poser ces questions.

 

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