Nouvelle question à l’auteur
Question : Sorti à l’automne 2010, quelques mois avant « le printemps arabe », Petit Seigneur était-il un roman prémonitoire ?
Réponse : Il y a quelques semaines, j’aurais répondu moins nettement qu’aujourd’hui. Le roman explique en effet que le sultanat, dont la tentative de soulèvement contre le tyran au pouvoir a été réprimée dans le sang quelque temps auparavant, n’a pu se libérer qu’avec l’intervention des troupes américaines. J’avais alors en tête essentiellement ce qui s’est passé en Iraq. En Tunisie et en Egypte, le peuple n’a pas eu besoin d’une aide extérieure pour chasser les gouvernants honnis. Jusque-là, Petit Seigneur ne semblait pas rentrer dans le cadre des révolutions arabes.
Depuis la révolte en Libye, sa terrible répression par Kadhafi et l’adoption de la résolution des Nations Unies du 17 mars, on se trouve dans une situation plus proche de celle que je décris.
La répression est du reste en marche au Bahreïn, au Yémen et en Syrie avec une violence que nous avons peine à mesurer.
En revanche, on peut dire sans réserve que ce roman était prémonitoire en ce sens qu’il montrait à la fois la réalité des dictatures au Proche Orient, la révolte de la jeunesse arabe et le potentiel révolutionnaire qu’elle constitue.


Alors que sa femme Tatiana, Française d’origine russe, séjourne à Paris, Gabriel Vernet, jeune et brillant ambassadeur de France dans la Russie d’Eltsine, se consacre à suivre l’actualité et les intrigues de ce pays instable, chaotique, dévoré par l’affairisme. L’obligeance intéressée d’un Russe, Vinogradov, qui a besoin de visas nécessaires à la bonne marche de son entreprise, va lui donner l’occasion de remonter à l’époque, dix-sept ans plus tôt, où il a rencontré Tatiana dans ce même Moscou. En ce temps-là, dans les ambassades bourrées de micros, le KGB constituait des dossiers sur chacun des employés. Vinogradov lui communique ceux qui les concernent, Tatiana et lui. Gabriel va ainsi découvrir, dans la vie de la femme qu’il aime, des mystères parfois soupçonnés mais jamais percés à jour. Il saura pourquoi elle a si longtemps repoussé ses avances, connaîtra l’identité de l’homme qu’elle préférait alors et les raisons qui l’ont finalement menée vers Gabriel. Il s’ensuit un choc qu’il aura du mal à surmonter. La mort d’Olga, une cousine russe de Tatiana, dont il s’est occupé, puis sa nomination en Allemagne l’aideront à surmonter cette jalousie rétrospective. En même temps que le récit intense et vrai d’une crise conjugale surmontée par l’amour, ce roman est un passionnant tableau de la Russie de Boris Eltsine, un pays que connaît et comprend admirablement l’auteur de Nitchevo (prix des Libraires 1994).
Éditions de Fallois, 1996