Où est Zaynab al-Hosni ?
De l’océan de douleur et de détresse qu’est devenue la Syrie depuis près de deux ans, nous arrivent quotidiennement de si terribles récits que nous avons peut-être tendance à les oublier au fur et à mesure que de nouvelles informations viennent se superposer aux premières.
Pourtant, qui ne se souvient de l’histoire de Zaynab al Hosni de Homs ? Son cadavre torturé au point d’en être méconnaissable fut rendu à sa mère en même temps que celui de l’un de ses frères, également martyrisé (cf. ici), avant que la jeune fille (ou une jeune fille lui ressemblant) ne réapparaisse soudain à la télévision syrienne et, quelques jours plus tard, à la télévision russe.
Nous avions ensuite appris que la famille al-Hosni avait été évacuée de Homs vers le Liban. Depuis, rien de plus. L’histoire de Zaynab, son destin – était-elle morte ou vivante ? – avaient été remplacés par d’autres histoires, tout aussi horribles, Homs avait été pilonnée par l’armée régulière, la Syrie tout entière s’était embrasée. Plus de 40.000 Syriens étaient morts et plus de 60.000 avaient disparu.
Or, ayant suivi à Berne un époux diplomate, comme je l’avais suivi à Damas entre 2006 et 2009 – une époque qui paraît désormais appartenir à un autre âge -, j’ai, ce matin, croisé la route de la famille Hosni ou du moins celle de la mère de Zaynab et de quatre de ses frères.
Grâce au HCR, ils ont pu quitter le Liban, juste avant que le Hezbollah ne s’attaque à la maison où ils avaient trouvé refuge. Isolés dans le canton de Berne, pendant que le reste de leur famille (enfants, petits-enfants) est dispersé entre Liban, Jordanie et même Egypte, ils continuent à attendre qu’on leur dise enfin ce qu’est devenue Zaynab. Le corps qu’on leur a rendu, qui se trouvait à la morgue dans le même compartiment réfrigéré que celui de leur frère, pourrait-il ne pas être celui de la jeune fille ? Se peut-il qu’elle vive encore ? Quelle chance ont-ils de la revoir un jour, vivante ?
Ils ne doutent pas que le régime va s’effondrer – tous les dictateurs sont renversés un jour, disent-ils -, mais quand ? Et reverront-ils leurs enfants, leurs petits-enfants qu’ils ont dû quitter précipitamment ? Ils posent ces questions au « monde qui n’a rien fait pour aider les Syriens », à ce monde qui n’a pas cru à l’histoire de Zaynab et s’est aisément laissé berner par le régime Assad. Avec une extraordinaire dignité. Celle que réclamait le peuple syrien lorsqu’il s’est soulevé en mars 2011.
Où est Zaynab al-Hosni ?
Cette histoire douloureuse et insupportable est la synthèse exacte de la situation des Syriens, soumis à la pire des violences morale et physique. Une violence dans laquelle même la mort n’est plus un terme, arrachant la dignité et l’avenir.
Merci d’être revenue, Isabelle.